En communication, comme en thérapie, nous sommes souvent amenés à décoder des situations de communication problématiques à l’aide du « Triangle de Karpman ». Il schématise un jeu où la communication est malsaine et les relations néfastes pour les individus qui en font partie. Le triangle implique la mise en relation de 3 rôles complémentaires : victime – persécuteur - sauveur.
UN PEU D'HISTOIRE
Éric Berne (1910-1970), psychiatre américain, fondateur de l’analyse transactionnelle, met à jour l’existence de jeux psychologiques dont les personnages prenaient initialement différents rôles : le naïf, le chat, la poire...
Ses travaux ont été complétés dans les années 1960 par un de ses disciples, Stephen Karpman, grande figure de l'Analyse Transactionnelle et de la psychologie contemporaine, médecin psychiatre et psychologue. Ce dernier a modélisé le fameux triangle dramatique, nommé également « Triangle de Karpman ». Il a synthétisé les personnages initiaux en trois rôles complémentaires, que l’on retrouve systématiquement dans les jeux psychologiques : la victime, le bourreau et le sauveur.
VICTIME, PERSÉCUTEUR ET SAUVEUR : LES DIFFÉRENTS PROFILS PRÉSENTS DANS LE TRIANGLE DRAMATIQUE
LA VICTIME
« La victime apitoie, attire, énerve, excite. » (C. Petitcollin)
La victime a un rôle central : c'est d'elle que dépend le triangle. S'il n'y a pas de victime, il n'y a pas de bourreau ni de sauveur.
La victime présente souvent un problème de dépendance. Elle se victimise, se sent impuissante face à la situation, désespérée et honteuse de son incapacité. Elle se pense incapable de trouver des solutions, de prendre des décisions et de résoudre ses problèmes.
Si elle n’est pas persécutée, la victime essayera sans cesse à créer le triangle de Karpman à nouveau : elle cherchera un persécuteur et un sauveur.
LE PERSECUTEUR
« Le bourreau attaque, brime, donne des ordres et provoque la rancune. » (C. Petitcollin)
Le persécuteur agit sur la victime. Il peut être une personne ou une autre représentation, comme la maladie, l'alcool ou tout autre élément qui contribue à ce que la victime se place dans cette position.
Le persécuteur critique, contrôle, blâme, est oppressant et en colère. Il a une autorité sur la victime.
Il peut lui aussi créer le triangle dramatique en cherchant une potentielle victime qui pourra soit ne pas se laisser faire soit revêtir le costume de son rôle de victime.
LE SAUVEUR
« Le sauveur étouffe, apporte une aide inefficace, crée la passivité par l’assistanat. » (C. Petitcollin)
Le sauveur rend la victime dépendante de lui et se place en soupape de sécurité en cas d'échec.
Son rôle lui permet de s'oublier et d'éviter ses propres problèmes déguisés en préoccupation pour les besoins de la victime.
La phrase type du sauveur est « Laissez-moi vous aider ». S'il ne secoure pas la victime, il se sentira coupable.
COMMENT FONCTIONNE LE TRIANGLE DE KARPMAN ?
Dès l’enfance et notamment en lien avec l’autorité parentale, nous pouvons vêtir ces rôles. Par exemple, lorsque l'on joue la victime par rapport à notre soeur/frère devant nos parents afin qu’il se fasse disputer. Dans ce cas présent, on a le rôle de la victime, notre soeur/frère celui du bourreau et nos parents celui du sauveur. Nous retrouvons régulièrement ce triangle au sein des couples, des amitiés, des entreprises ou dans des relations négatives, frustrantes et décourageantes.
Cette structure est présente dans la plupart des contes dramatiques : Blanche-Neige avec la méchante belle-mère et le prince charmant ou encore le chaperon rouge avec le loup et le chasseur.
Dans cette vidéo, on voit clairement le changement de rôles que prennent les différents protagonistes.
Il est important de noter que tout le monde joue régulièrement de manière inconsciente à ce jeu psychologique. Les rôles ne sont pas fixés : on passe aisément de la victime au bourreau ou au sauveur en fonction des circonstances, de l'interlocuteur ou de l'état d’esprit du moment, même s'il peut arriver que certaines personnes privilégient toutefois un rôle précis et ont tendance à s’y installer.
Chacun se satisfait de son rôle car il en retire un intérêt personnel illusoire. Par exemple, le rôle de victime permet d’attirer l’attention des autres, celui de persécuteur donne une forme de pouvoir, et le rôle du sauveur offre une image positive de nous-même.
Confronté à une situation qui met en présence d’un de ces trois rôles, on peut avoir tendance à se vêtir inconsciemment du costume du bourreau ou du sauveur. On se fait alors « attraper » par le triangle.
Face à une victime et ses plaintes, on peut avoir envie de réconforter ou d’apporter des solutions, devenant ainsi sauveur. On peut aussi, face à son manque de réaction ou ses mauvais choix s'énerver et devenir persécuteur. Il est possible de passer d’un rôle à l’autre sans s'en rendre compte.
SORTIR DE CE TRIANGLE DRAMATIQUE
La première chose à faire est de prendre conscience du rôle qu’on joue dans ce triangle ainsi que celui des autres personnes qui y sont. Il est alors possible d'analyser les relations qui ne satisfassent pas et les analyser en pensant à ses émotions et à ses comportements.
Solution 1
La première solution est de ne plus prendre le rôle que vous aviez. Sans une victime, ou sans un bourreau ou sans un sauveur, le triangle de Karpman ne peut plus exister.
Vous jouez le rôle de la victime ? Redevenez acteur de votre vie, responsable de ce qui vous concerne sans rien attendre de votre entourage en cas de difficulté sans jamais plus vous victimiser.
Vous avez tendance à prendre le costume du sauveur ? Rappelez-vous qu’il y a une différence entre aider et sauver : la personne vous a-t-elle demandé de l’aider ? L’effort est-il partagé ? Cette aide est-elle infinie ou avez-vous défini avec la personne une limite ?
Vous prenez l’habit du bourreau ? Veillez à communiquer votre mécontentement sans trop d’agressivité et autorité, en vous demandant par exemple comme voudriez-vous que l'on vous l'exprime.
Solution 2
Et si vous faites le miroir de ce que vous présente la personne en face de vous ? Une personne vient vous voir en se plaignant de ces problème, expliquez lui les votres, vous ne jouerez pas le rôle attendu et le triangle de Karpman ne pourra pas voir le jour.
Solution 3
La troisième stratégie si aucune des deux précédentes n’a marché est de créer une escalade de puissance en allant encore plus loin dans le jeu. Beaucoup d’adeptes du Triangle de Karpman veulent jouer, mais de façon socialement acceptable et pas trop forte. Ils risquent d’arrêter rapidement leurs tentatives s’ils s’aperçoivent que vous risquez d’aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fortement qu’ils ne le souhaiteraient.
OUVRAGE RECOMMANDÉ
"Victime, bourreau ou sauveur : comment sortir du piège ?" de Christel Petitcollin.